Transparence salariale : ce que dit la directive UE

Écrit par Publié le 21/07/2025 Mis à jour le 21/07/2025

La transparence salariale est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre les inégalités de rémunération, notamment entre les femmes et les hommes. Pour répondre à la persistance de ces écarts, l’Union européenne a adopté la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023, qui impose de nouvelles obligations de transparence aux employeurs afin de garantir l’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale. Ce texte, que la France doit transposer d’ici 2026, s’inscrit dans une dynamique européenne visant à renforcer l’égalité de traitement et à promouvoir un marché du travail plus équitable. Cet article présente les objectifs, les principales dispositions et les conséquences pratiques de la directive sur la transparence salariale, ainsi que les défis liés à sa mise en œuvre.

En résumé
  • La directive (UE) 2023/970 impose la transparence salariale pour garantir l’égalité de rémunération entre femmes et hommes.
  • Les employeurs devront indiquer la rémunération dans les offres d’emploi et ne pourront plus demander l’historique salarial des candidats.
  • Les salariés auront un réel droit à l’information sur les salaires et les critères d’évolution salariale.
  • Des obligations de reporting réguliers s’appliquent pour les entreprises de plus de 100 salariés, avec mesures correctives si un écart injustifié dépasse 5 %.
  • En cas de litige, la charge de la preuve incombera à l’employeur, et des sanctions financières sont prévues en cas de manquement.
  • La directive représente un défi d’adaptation mais aussi une opportunité d’attractivité et de confiance pour les entreprises.
Transparence salariale : ce que dit la directive UETransparence salariale : ce que dit la directive UE

Contexte et objectifs de la directive sur la transparence salariale

Un constat d’inégalités persistantes

Malgré des décennies de législation en faveur de l’égalité salariale, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes demeurent significatifs dans l’Union européenne. 

En France, par exemple, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes atteint 14,2 % dans le secteur privé à temps de travail équivalent, et 3,8 % pour le même emploi exercé dans le même établissement en équivalent temps plein. 

Ces inégalités sont le reflet de multiples facteurs : 

  • ségrégation professionnelle, 
  • plafond de verre, 
  • différences dans l’accès aux postes à responsabilité, 
  • mais aussi manque de transparence sur les politiques de rémunération.

L’Europe sociale à l’offensive

Face à ce constat, la Commission européenne a adopté une stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour 2020-2025, qui s’est traduite par l’adoption de plusieurs textes majeurs, dont la directive (UE) 2023/970 sur la transparence salariale. 

Cette directive s’inscrit dans une dynamique plus large de renforcement des droits sociaux, aux côtés d’autres initiatives telles que la directive sur la présence des femmes dans les conseils d’administration (UE 2022/2381), la directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes (UE 2024/1385), ou encore la directive sur les salaires minimaux adéquats (UE 2022/2041).

Objectifs de la directive 2023/970

La directive sur la transparence salariale poursuit plusieurs objectifs majeurs :
  • Renforcer l’application du principe d’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale.
  • Accroître la transparence des systèmes de rémunération afin de rendre visibles les écarts et de permettre leur correction.
  • Donner aux travailleurs et aux candidats à l’embauche un droit à l’information sur les niveaux de rémunération et les critères d’évolution salariale.
  • Faciliter les voies de recours pour les victimes de discrimination salariale et inverser la charge de la preuve en cas de contentieux.
  • Impliquer les partenaires sociaux dans la mise en œuvre et le suivi des politiques d’égalité salariale.

Pour une vue détaillée des obligations spécifiques des entreprises et du calendrier d’application, reportez-vous à notre article : Loi sur la transparence des salaires : quelles obligations pour les entreprises ?

Les principales dispositions de la directive sur la transparence salariale

Transparence dès le recrutement

L’une des innovations majeures de la directive est l’obligation de transparence salariale dès les premières phases du recrutement. 

Les employeurs devront désormais :

  • Indiquer dans les offres d’emploi ou avant le premier entretien la rémunération de départ ou la fourchette de salaires pour le poste concerné.
  • Informer les candidats sur les dispositions pertinentes de la convention collective applicable.
  • S’abstenir de demander aux candidats leur historique salarial (rémunération relative au dernier poste occupé).
Obligations de transparence à l’embauche
Obligation Avant la directive Après la directive 2023/970
Indication du salaire dans l’offre d’emploi Facultatif Obligatoire
Information sur la convention collective Facultatif Obligatoire
Demande de l’historique salarial Autorisée Interdite

Découvrez les enjeux et obligations spécifiques du cadre juridique de la rémunération variable (primes, bonus, participation, etc.) dans notre dossier : La rémunération variable : cadre juridique, enjeux RH et conformité réglementaire.

Droit à l’information pour les salariés

La directive consacre un droit à l’information pour les salariés en poste, qui pourront demander et recevoir, le cas échéant par l’intermédiaire de leurs représentants, des informations écrites sur :

  • Leur niveau de rémunération individuel
  • Les niveaux moyens de rémunération, ventilés par sexe et par catégorie de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur
  • Les critères utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression salariale, qui doivent être objectifs et non sexistes 

Les employeurs devront répondre à ces demandes dans un délai de deux mois. Les États membres pourront toutefois exempter les entreprises de moins de 50 salariés de certaines obligations.

Reporting et publication des écarts de rémunération

La directive impose aux entreprises de publier régulièrement des rapports sur les écarts de rémunération entre femmes et hommes. La fréquence et le niveau de détail de ces rapports varient selon la taille de l’entreprise :

  • Entreprises de 100 salariés et plus : publication annuelle de l’écart de rémunération.
  • Entreprises de 250 salariés et plus : communication annuelle à l’autorité nationale compétente.
  • Entreprises de 100 à 249 salariés : communication tous les trois ans.

Si l’écart salarial dépasse 5 % et n’est pas justifié par des critères objectifs, l’employeur devra prendre des mesures correctives, en concertation avec les représentants du personnel.

Reporting des écarts de rémunération selon la taille de l’entreprise
Taille de l’entreprise Fréquence de publication Obligation de correction si écart > 5%
100 à 249 salariés Tous les 3 ans Oui
250 salariés et plus Annuellement Oui

Politique salariale non discriminatoire

La directive impose aux employeurs de garantir que leur politique salariale repose sur des critères objectifs et neutres du point de vue du genre. 

Toute différence de rémunération injustifiée entre hommes et femmes devra être corrigée. Les critères d’évolution salariale doivent être facilement accessibles aux salariés.

Renforcement des voies de recours et de la charge de la preuve

En cas de contentieux relatif à une discrimination salariale, la directive prévoit une inversion de la charge de la preuve : il appartiendra à l’employeur de démontrer qu’il n’y a pas eu discrimination. Les victimes pourront demander réparation intégrale du préjudice, sans plafond prédéfini. Les procédures judiciaires et administratives pourront être engagées par des associations ou des représentants des salariés, avec l’accord de la personne concernée.

Rôle des partenaires sociaux et des organismes spécialisés

La directive encourage l’implication des partenaires sociaux dans la mise en œuvre des politiques d’égalité salariale, notamment par la négociation collective et la participation à l’évaluation des écarts de rémunération. Les États membres devront également confier à un organisme spécialisé la mission de suivi et de sensibilisation sur l’égalité de traitement.

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Conséquences pratiques pour les entreprises et les salariés

Une refonte des pratiques de gestion salariale

La directive impose une transformation profonde des pratiques de gestion salariale dans les entreprises. Les employeurs devront :

  • Mettre en place des grilles de rémunération transparentes et objectives
  • Documenter et justifier les critères d’évolution salariale
  • Former les managers et les responsables RH à l’égalité salariale et à la non-discrimination
  • Adapter les outils de reporting et de gestion des données sociales pour répondre aux nouvelles obligations de publication

Pour tout savoir sur la structuration des tableaux de rémunération et les bonnes pratiques pour respecter la réglementation, consultez notre guide pratique : Tableaux de rémunération : comment bien les structurer pour respecter la réglementation ?

Un impact sur le dialogue social

La directive renforce le rôle des représentants du personnel et des partenaires sociaux dans la négociation et le suivi des politiques salariales. Les entreprises devront associer les représentants des salariés à l’évaluation des écarts de rémunération et à la définition des mesures correctives.

Des sanctions en cas de non-respect

Le non-respect des obligations de transparence salariale pourra donner lieu à des sanctions administratives, dont le montant pourra être fixé en pourcentage de la masse salariale ou de manière forfaitaire selon la gravité du manquement. Des circonstances aggravantes pourront être retenues en cas de récidive ou de persistance des manquements.

Un levier d’attractivité et de fidélisation

Au-delà de la conformité réglementaire, la transparence salariale peut devenir un levier d’engagement et de confiance pour les salariés, en particulier pour les jeunes talents qui accordent une importance croissante à l’équité et à la transparence dans l’entreprise.

Les défis de la mise en œuvre et les perspectives d’évolution

Les difficultés de transposition

La transposition de la directive dans les droits nationaux soulève plusieurs défis :

  • Adapter les systèmes d’information RH pour collecter et traiter les données requises
  • Harmoniser les pratiques de reporting social avec les autres obligations européennes (CSRD, reporting extra-financier)
  • Former les acteurs de l’entreprise à la nouvelle culture de la transparence salariale

Les limites et risques identifiés

Certaines études soulignent que la transparence salariale, si elle n’est pas accompagnée d’une politique d’augmentation généralisée, peut conduire à une stagnation, voire à une baisse des salaires moyens, en particulier dans les secteurs peu syndiqués. Par ailleurs, la publication des écarts de rémunération peut générer des tensions internes si les disparités ne sont pas justifiées et expliquées.

Les perspectives d’évolution

La directive sur la transparence salariale s’inscrit dans une dynamique de renforcement continu des droits sociaux au niveau européen. D’autres textes, tels que la directive sur les salaires minimaux adéquats (UE 2022/2041), viennent compléter ce cadre en imposant des exigences de décence et d’équité dans la fixation des salaires.

Synthèse comparative : directive européenne et droit français

Comparatif des obligations de transparence salariale
Thématique Droit français actuel (avant transposition) Directive UE 2023/970 (après transposition)
Indication du salaire à l’embauche Facultatif Obligatoire
Demande de l’historique salarial Autorisée Interdite
Publication des écarts de rémunération Index égalité professionnelle (50 salariés et +) Publication annuelle ou triennale selon effectif
Critères d’évolution salariale Peu formalisés Objectifs, transparents, accessibles
Droit à l’information des salariés Limité Étendu, réponse sous 2 mois
Sanctions Amende administrative limitée Sanctions renforcées, graduées
Charge de la preuve en cas de contentieux Partagée Inversée (à l’employeur de prouver l’absence de discrimination)

La directive européenne sur la transparence salariale marque une étape décisive dans la lutte contre les inégalités de rémunération et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. En imposant de nouvelles obligations de transparence, de reporting et de justification des politiques salariales, elle oblige les entreprises à repenser en profondeur leur gestion des ressources humaines et leur dialogue social. Si la mise en œuvre de ces nouvelles règles représente un défi organisationnel et culturel, elle constitue aussi une opportunité de renforcer l’équité, l’attractivité et la confiance au sein des organisations.

La France, comme les autres États membres, doit désormais relever le défi de la transposition, en veillant à articuler les nouvelles exigences européennes avec les dispositifs existants, tels que l’index égalité professionnelle. Les entreprises sont invitées à anticiper ces évolutions, à se doter d’outils adaptés et à engager un dialogue constructif avec leurs salariés et leurs représentants. La transparence salariale, loin d’être une contrainte, peut devenir un levier stratégique de performance et de cohésion sociale.