Matthieu Juglar - Comment favoriser l'accessibilité du droit aux personnes en situation de handicap ?

Mathieu Juglar retrace un parcours juridique classique, mais jalonné d’expériences significatives. Diplômé en 2007 en propriété industrielle et artistique, il effectue des stages dans de grands cabinets avant de réussir le CRFPA. Il devient avocat en 2010 et débute chez Ernst & Young au sein du département droit des contrats, distribution et propriété intellectuelle.

En 2015, il est élu secrétaire de la conférence au Barreau de Paris, ce qui marque son immersion dans le droit pénal. Après une expérience chez Clifford Chance, il ouvre son propre cabinet en 2017, combinant droit pénal et droit des affaires. Cette double compétence lui permet d’intervenir à la fois en conseil et en contentieux, en particulier pour anticiper les risques pénaux auxquels les entreprises peuvent être exposées.

Selon les données de l’AGEFIPH, entre 2017 et 2022, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19 % à 14 %. Une baisse encourageante, certes, mais ce taux demeure encore deux fois supérieur à celui de la population générale.

Pour Mathieu Juglar, plusieurs facteurs expliquent ce déséquilibre. Du côté des employeurs, un manque d’informations sur les modalités d’adaptation des postes et une vision souvent stéréotypée du handicap freinent les embauches. Du côté des candidats, beaucoup choisissent de ne pas déclarer leur handicap, en particulier lorsqu’il n’est pas visible. Une autocensure qui découle de la crainte d’être perçus comme moins compétents ou moins employables.

Or, pour l’avocat, cette invisibilisation est contre-productive : la reconnaissance du handicap permettrait justement d’ouvrir la voie à un management plus humain, mieux informé, et plus attentif aux besoins individuels.

Mathieu Juglar insiste sur un message fondamental : une personne en situation de handicap peut accomplir les mêmes tâches qu’un autre collaborateur, à condition que des ajustements soient envisagés et mis en œuvre. Ce n’est pas une question de charité, mais bien de valorisation des compétences et de diversité au sein des équipes.

Pour y parvenir, il faut dépasser la logique des profils “standardisés et interchangeables” souvent valorisés dans le monde juridique. Chaque juriste est amené à gérer des situations complexes, inédites, et c’est précisément cette diversité d’approches et de parcours qui constitue une richesse pour les cabinets comme pour les directions juridiques.

Aux étudiants en droit concernés par le handicap, Mathieu Juglar adresse plusieurs conseils essentiels :

• Connaître et proposer ses propres solutions d’adaptation : le premier pas vers une intégration réussie est de savoir identifier et formuler ses besoins spécifiques.
• Oser parler de son handicap : même si cela reste difficile, reconnaître cette dimension de soi permet d’ouvrir le dialogue et de construire un environnement professionnel plus adapté.
• Faire preuve de confiance en soi : un handicap n’est pas un défaut, et ne remet pas en cause la valeur intellectuelle ou professionnelle d’un candidat.

Il souligne aussi les difficultés techniques persistantes en matière d’accessibilité numérique. Trop de sites et logiciels, notamment en SaaS, restent inadaptés aux lecteurs d’écran ou aux outils d’accessibilité. Il appelle à une meilleure prise en compte des standards d’accessibilité par les développeurs, pour que l’inclusion numérique ne reste pas un vœu pieux.

Créée pour favoriser l’accès aux professions juridiques aux jeunes talents en situation de handicap, l’association Droit comme un H agit à deux niveaux :

• Côté employeurs : l’association sensibilise les cabinets d’avocats et les entreprises aux apports humains et managériaux qu’implique l’embauche de personnes en situation de handicap. Elle les aide également à comprendre les enjeux pratiques de l’adaptation des postes.
• Côté candidats : Droit comme un H accompagne les jeunes dans la construction de leur parcours, les aide à obtenir la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), et les soutient dans la recherche de stages. L’association joue un rôle de passerelle, de confiance et d’accompagnement dans les premières étapes professionnelles.

Par ailleurs, des étudiants valides s’engagent aussi auprès de l’association pour porter ces messages au sein des facultés, créant un dialogue inclusif, bienveillant et respectueux.

 L’intégration des personnes en situation de handicap dans le monde du droit ne peut reposer sur de simples obligations formelles. Elle exige un changement profond de regard, une volonté d’adaptation concrète, et un accompagnement sur mesure. L’engagement de Mathieu Juglar et de Droit comme un H en est l’illustration vibrante : il est possible – et nécessaire – de faire du handicap un levier de diversité, d’intelligence collective et d’excellence professionnelle.