Comment fonctionnent les astreintes ?

Écrit par Publié le 28/05/2025 Mis à jour le 04/06/2025

Tout ce que les employeurs et juristes doivent savoir sur l’astreinte : cadre légal, modalités de mise en œuvre, contreparties obligatoires et sanctions en cas de non-respect.

En résumé
  • L’astreinte n’est pas du temps de travail effectif, sauf intervention.
  • Le salarié doit être prévenu au moins 15 jours à l’avance.
  • Une compensation est obligatoire, en repos ou en argent.
  • L’intervention est rémunérée comme du temps de travail.
  • Le repos doit être intégralement respecté ou reprogrammé.
  • L’astreinte doit être formalisée et contrôlée (document mensuel).
  • Les manquements peuvent entraîner sanctions pénales ou civiles.
  • Le conseil de prud’hommes est compétent pour les litiges.
  • L’astreinte ne relève pas de la garantie AGS.
  • Des règles spécifiques s’appliquent selon les statuts (cadres, forfaits…).
Comment fonctionnent les astreintes ?Comment fonctionnent les astreintes ?

Définition juridique et principes de l’astreinte

Définition de l’astreinte dans le droit du travail et distinction avec le temps d’intervention

L'astreinte n'est pas une période de travail effectif. Autrement dit, le salarié n'a pas droit au paiement d'un salaire pour ces heures mais seulement aux contreparties – financières ou sous forme de repos – prévues par la convention collective, l'accord d'entreprise ou le contrat de travail.

Le temps d'intervention est, en revanche, très clairement un temps de travail effectif (C. trav., art. L. 3121-9). Cela vaut y compris pour la durée du déplacement aller et retour occasionné par cette intervention.

Différence entre astreinte et temps de travail effectif : quelles conséquences ?

Dans la mesure où les périodes d'astreinte ne sont pas comptabilisées comme du temps de travail effectif, elles n'ont en principe aucun impact sur les durées maximales, journalière et hebdomadaire, de travail.

En revanche, ce n'est pas le cas des temps d'intervention et des déplacements qui les accompagnent.
Ces derniers ne doivent pas, ajoutés aux heures travaillées, conduire le salarié à effectuer, sauf dérogations, plus de 10 heures par journée civile et 48 heures par semaine civile.


Bien que les durées maximales de travail ne s'appliquent pas aux salariés soumis à un forfait en jours, les périodes d'astreintes additionnées aux temps travaillés doivent rester d'une durée raisonnable (CEDS, 19 mai 2021).

Astreinte : modification du contrat de travail ou simple condition d’exécution ?

Si l'astreinte est prévue par la convention collective, elle s’impose au salarié, même si son contrat ne la mentionne pas.

En revanche, en l’absence de disposition conventionnelle, sa mise en œuvre constitue une modification du contrat que le salarié peut refuser.

Lorsqu'une astreinte est une sujétion liée à une fonction et que le salarié n'y est pas systématiquement soumis, sa suppression ne constitue pas une modification du contrat de travail.

La Cour de cassation a jugé que sauf engagement de l’employeur ou abus, il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’astreintes (Cass. soc., 10 oct. 2012, no 11-10.454).

Astreintes et cadres au forfait : règles applicables et exceptions

Tous les salariés, y compris les cadres rémunérés au forfait, ont droit aux compensations prévues en contrepartie des astreintes.

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux règles sur l’astreinte, sauf disposition contractuelle ou conventionnelle.

La jurisprudence confirme que les forfaits jours ne sont pas exclusifs des astreintes (CA Versailles, 20 févr. 2019 ; CA Lyon, 17 juill. 2019).

Mise en place de l’astreinte : règles et formalités

Mise en place et programmation des astreintes : cadre légal et bonnes pratiques

Les astreintes peuvent être mises en place par (C. trav., art. L. 3121-11) : 

  • un accord d'entreprise ou d'établissement ;
  • ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche ;
  • ou, à défaut, par l'employeur après consultation du comité social et économique, et après information de l'inspecteur du travail.

Dans cette hypothèse, la programmation individuelle des astreintes doit être communiquée aux salariés quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins un jour franc à l'avance (C. trav., art. L. 3121-12).

Les modalités de programmation des astreintes et d'information des salariés concernés, ainsi que les délais de prévenance à respecter doivent être fixés par l'accord collectif les mettant en place (C. trav., art. L. 3121-11), sachant que le délai de communication des programmations individuelles doit être raisonnable (C. trav., art. L. 3121-9).

Il est conseillé de programmer le plus longtemps à l'avance les dates des astreintes. Une solution peut être de demander au personnel concerné de signaler les dates correspondant à un moment où il est particulièrement important pour lui qu'il dispose de son entière liberté (événements familiaux, associatifs, etc.).

Les astreintes doivent être programmées de telle sorte que la réglementation sur la durée du travail (durées maximales de travail, temps de repos journalier et hebdomadaire…) soit respectée.

Une circulaire du 14 avril 2003 met en garde contre les “abus éventuels consistant à placer de façon trop importante un salarié en position d'astreinte” (Circ. DRT no 2003-06, 14 avr. 2003, fiche no 8).

Astreinte et obligations de l’employeur : information, consultation et suivi

À défaut d'accord collectif, l'employeur doit (C. trav., art. L. 3121-12) :

  •  fixer le mode d'organisation des astreintes après consultation des représentants du personnel, s'ils existent, et information de l'inspection du travail.
  • respecter le délai légal dans lequel la programmation doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné (au moins quinze jours à l'avance, sauf urgence).
  •  communiquer, par tout moyen conférant date certaine, aux salariés concernés la programmation individuelle des périodes d'astreinte dans le respect des délais de prévenance.

Astreinte : obligation de document récapitulatif mensuel pour l’employeur

En fin de mois, l'employeur doit établir et remettre à chaque salarié intéressé un document récapitulant “le nombre d'heures d'astreinte accomplies par celui-ci au cours du mois écoulé, ainsi que la compensation correspondante” (C. trav. art. R. 3121-2).

Ce document doit être également tenu à la disposition des agents de contrôle de l'inspection du travail pendant un an.


La non-remise au salarié du document, sa non-tenue à disposition des agents de l'inspection du travail et le fait pour l'employeur de ne pas accorder aux salariés concernés les compensations constituent des infractions pouvant être sanctionnées par une contravention de 4e classe, soit une amende de 750 € maximum (C. trav., art. R. 3124-4).

Comment comptabiliser les heures d’astreinte dans le droit du travail ?

Il n'est pas possible de raisonner en période d'astreinte (une semaine) ou en nombre d'astreintes (nombre de nuits, de week-end), en décomptant seulement le nombre d'astreintes ou de périodes d'astreinte. Il faut les compter en heures.

L'astreinte doit en effet être indemnisée séparément du temps d'intervention, quand bien même le second absorbe la quasi-totalité de la première.

Astreinte : impact sur repos et durée du travail

Astreinte et respect du repos journalier et hebdomadaire du salarié

Deux problèmes juridiques surgissent : l'employeur peut-il mettre un salarié d'astreinte pendant son repos légal, quotidien et hebdomadaire, et quel est l'effet d'une intervention sur ce droit au repos ?

L'article L. 3121-10 du Code du travail règle, pour partie, la question en intégrant la période d'astreinte, “exception faite de la durée d'intervention”, dans le décompte du temps de repos journalier et de repos hebdomadaire.

Le temps d'intervention est très clairement un temps de travail effectif (C. trav., art. L. 3121-9), y compris pour le déplacement aller-retour (Cass. soc., 31 oct. 2007).

Lorsque le salarié n'intervient pas pendant sa période d'astreinte, sa durée est entièrement décomptée dans les temps de repos quotidien et hebdomadaire.

En revanche, si le salarié intervient une ou plusieurs fois pendant la période d'astreinte chevauchant son temps de repos, il doit, selon l'administration, lui être accordé un nouveau repos à compter de la fin de la ou des intervention(s).

Si la condition de continuité n'est plus remplie, les compteurs des repos journalier et hebdomadaire du salarié doivent, selon l'administration, être remis à zéro au moment où il a regagné son domicile.

Cette solution est toutefois partiellement remise en cause par la jurisprudence française et européenne (Cass. soc., 27 juin 2012 ; CJUE, 2 mars 2023, n° C-477/21).

Le salarié ne peut reprendre son travail qu'au terme de son repos décalé. Si soumis à un horaire collectif, le début de sa journée est reporté mais l’heure de sortie ne l’est pas.

Cette situation peut entraîner une réduction du nombre d’heures travaillées sans qu'une retenue sur salaire ne soit opérée.

Pour les salariés sans horaires prédéterminés, l’entreprise peut exiger le respect du volume horaire prévu dans le contrat, temps d’intervention compris.

Astreinte et interdiction du travail dominical : quelles dérogations possibles ?

L'interdiction du travail du dimanche semble exclure la possibilité de recourir à des astreintes dominicales pour les entreprises ne bénéficiant pas de dérogation.

En pratique, de nombreuses entreprises (maintenance, sécurité, énergie...) bénéficient de dérogations de droit au repos dominical.

Celles qui n’en bénéficient pas doivent recourir à des prestataires extérieurs.

Astreinte : quelles dérogations au repos hebdomadaire sont autorisées ?

Le repos hebdomadaire peut être suspendu en cas de travaux urgents pour organiser des mesures de sauvetage, prévenir ou réparer un accident (C. trav., art. L. 3132-4).

Si une intervention a lieu durant un jour de repos hebdomadaire suspendu, les salariés doivent bénéficier d'un repos compensateur d'une durée égale.

La remise à zéro du compteur du repos hebdomadaire à la fin de l’intervention ne suffit pas toujours : le repos doit être continu et respecté dans la période de 7 jours.

Astreinte et dérogations au repos quotidien : cadre légal et limites

Comme pour le repos hebdomadaire, il est possible de suspendre le repos journalier en cas de travaux urgents (C. trav., art. D. 3131-1).

Une contrepartie équivalente doit être prévue si l'octroi d’un repos égal ou supérieur n’est pas possible (C. trav., art. D. 3131-2).

Le repos journalier peut être réduit à 9 heures par accord, pour nécessité de continuité de service, fractionnement d’activité ou surcroît exceptionnel (C. trav., art. L. 3131-2).

Astreinte durant les jours fériés et congés payés : ce que dit la loi

La possibilité d’imputer les périodes d’astreinte sur le temps de repos ne semble concerner que les repos quotidien et hebdomadaire.

Elle ne peut donc être étendue au 1er mai chômé.

Seuls les salariés affectés à des tâches indispensables au maintien de l'activité peuvent être soumis à des astreintes ce jour-là (C. trav., art. L. 3133-6).

Même restriction pendant les congés payés : une intervention pendant cette période est formellement interdite.

Astreinte et durée maximale de travail : recommandations pratiques à respecter

Il convient de programmer les astreintes de telle sorte que l'amplitude, ajoutée au temps de travail, ne dépasse pas 13 heures par 24 h et 78 heures sur 6 jours.

Cette solution sécurisée peut être aménagée selon la fréquence des interventions.

Compensation et paiement des astreintes

Compensation des astreintes : nature, modalités et base légale

Les heures d'astreinte ne donnent pas lieu à une rémunération intégrale, mais à une contrepartie qui peut être donnée soit sous forme financière, soit sous forme de repos (C. trav., art. L. 3121-9).

Le salarié n'est donc pas rémunéré pour la période durant laquelle il est en astreinte s'il n'intervient pas, mais il doit percevoir une compensation conforme aux dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles.

L’accord collectif ou l’employeur doivent fixer les conditions de la contrepartie, en repos ou en argent.

La contrepartie peut aussi consister en la mise à disposition d’un logement par l’employeur à proximité du lieu de travail.

Attention, les contreparties dont il est question rémunèrent seulement l'astreinte et en aucun cas l'intervention qui peut être demandée, laquelle doit être payée au taux normal des heures de travail.

L'astreinte ne rémunère pas l’intervention du salarié. Si une intervention a lieu, celle-ci doit être rémunérée en plus, au tarif habituel des heures de travail.

Paiement des interventions durant une astreinte : droits du salarié

Seuls l'intervention en entreprise, ainsi que le temps de trajet pour se rendre sur le lieu de l'astreinte, doivent être payés au taux normal des heures de travail.

Le temps de déplacement pour effectuer une intervention pendant l'astreinte est assimilé à du temps de travail effectif (Cass. soc., 31 oct. 2007, no 06-44.759).

Il n’est pas possible de fixer un forfait pour la rémunération des interventions pendant l’astreinte si ce forfait ne correspond pas au temps réellement effectué.

Il faut distinguer la rémunération liée à l’intervention (traitée comme toute heure travaillée) de la contrepartie due pour l’astreinte (soumise à des modalités spécifiques).

Rémunération des astreintes pour les cadres et salariés au forfait

Tous les salariés, y compris les cadres rémunérés au forfait, ont droit aux compensations prévues en contrepartie des astreintes (Cass. soc., 4 mai 1999, no 96-45.453).

Les forfaits jours ne dispensent pas l’employeur de fixer et de verser les compensations prévues.

L’employeur ne peut pas invoquer une prime de responsabilité ou une clause de forfait global pour prétendre que l’astreinte est déjà rémunérée.

Encore faut-il que la clause de rémunération globale fasse expressément référence aux astreintes et à leur rémunération.

À défaut, les juges condamnent l’employeur à verser les compensations dues (Cass. soc., 10 mars 2004, no 02-41.390 ; Cass. soc., 5 nov. 2003, no 01-42.857).

Sanctions et conséquences en cas de non-respect ou d'accident durant une astreinte

Quelles sanctions en cas de non-respect d’une astreinte prononcée par le juge ?

L’employeur qui n’accorde pas les compensations financières ou sous forme de repos auxquelles donnent lieu les astreintes est passible d’une contravention de la 4e classe, soit une amende de 750 € maximum (C. trav., art. R. 3124-4).

Cette infraction est constituée dans les trois cas suivants :

  •  absence de versement de la compensation prévue ; 
  • non-remise du document récapitulatif mensuel ;
  • non-tenue du document à disposition de l’inspection du travail.

Le procès-verbal établi par l’inspecteur du travail peut déclencher des poursuites pénales à l’encontre de l’employeur.

L’absence de compensation est également un manquement contractuel susceptible d’entraîner des condamnations civiles devant le conseil de prud’hommes.

L’employeur qui prétend que la rémunération des astreintes est incluse dans un forfait ou une prime doit en apporter la preuve (Cass. soc., 10 mars 2004, n° 02-41.390).

Accident survenu pendant une période d’astreinte : quelles conséquences pour le salarié et l’employeur ?

La présomption d’imputabilité au titre des accidents du travail ne joue pas automatiquement pendant une astreinte.

Il y a présomption d’accident du travail seulement si :

  • le salarié est sous astreinte dans un lieu imposé par l’employeur,
  • ou s’il est en intervention pendant la période d’astreinte.

En dehors de ces cas, le salarié doit rapporter la preuve du lien entre l’accident et son activité professionnelle (Cass. soc., 2 avr. 2003, n° 01-45.378).

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