Droit de préemption du preneur rural : cadre légal, conditions et limites

Écrit par Publié le 17/11/2025 Mis à jour le 21/11/2025

Le droit de préemption du preneur rural, mécanisme central de la législation foncière française, accorde à l’exploitant agricole une priorité d’achat lors de la vente du bien loué. Encadré par le Code rural et de la pêche maritime, il vise la stabilité des exploitations et la lutte contre la spéculation. Son application est soumise à des conditions d’éligibilité, des formalités de notification et des délais stricts, garantissant la sécurisation des transactions et la prévention des contentieux, appuyés par une jurisprudence récente.

En résumé
  • Le preneur rural bénéficie d’une priorité d’achat prévue aux articles L. 412-1 et s. du Code rural.
  • Exercice soumis à des conditions strictes : bail en cours, exploitation personnelle, seuils fonciers.
  • L'engagement d’exploitation de 9 ans est obligatoire.
  • La SAFER et les collectivités disposent d’une priorité supérieure.
  • La notification doit être complète pour déclencher les délais légaux.
  • Le tribunal paritaire fixe le prix en cas de désaccord.
  • Nullité possible en cas de violation du droit de préemption.
  • Jurisprudence récente : délai de forclusion court à la connaissance de la date de mutation.
Droit de préemption du preneur rural : cadre légal, conditions et limitesDroit de préemption du preneur rural : cadre légal, conditions et limites

Cadre légal du droit de préemption rural : textes et principes

Fondements juridiques : articles clés du Code rural

Le droit de préemption du preneur, socle du droit rural, permet à l’exploitant agricole titulaire d’un bail agricole d’acquérir en priorité les terres exploitées si le propriétaire souhaite les vendre. Ce droit, régi par le Code rural et de la pêche maritime (articles L. 412-1 et suivants), protège l’exploitant en encadrant les conditions d’exercice (durée minimale d’exploitation, seuils de propriété, article L. 412-5) et fixe un délai de forclusion pour l’action en nullité en cas de non-respect de cette priorité (article L. 412-12).

Objectifs du droit de préemption et finalités agricoles

Le droit de préemption vise à :

  • Favoriser la stabilité des exploitations agricoles.
  • Permettre le maintien des exploitants en place.
  • Lutter contre la fragmentation des terres et la spéculation foncière.
  • Assurer la transmission des exploitations dans des conditions équitables.

Articulation avec le droit de préemption de la SAFER et des collectivités

Le droit de préemption du preneur rural s’articule avec d’autres droits de préemption, notamment :

  • Le droit de préemption de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), qui prime sur celui du preneur rural.
  • Les droits de préemption urbains et ceux des collectivités publiques, qui peuvent également s’appliquer selon la nature du bien et sa localisation.

Conditions pour exercer le droit de préemption du fermier

Conditions d’éligibilité du preneur rural

Pour bénéficier du droit de préemption, le preneur doit remplir plusieurs conditions :

  • Être titulaire d’un bail rural en cours sur le bien mis en vente.
  • Exercer la profession agricole depuis au moins trois ans.
  • Exploiter personnellement le fonds, éventuellement avec l’aide de sa famille. 

Engagement d’exploitation sur 9 ans : obligation essentielle

L’exploitant doit s’engager à exploiter personnellement le bien acquis pendant une durée minimale de neuf ans. Cet engagement est une condition essentielle pour l’exercice du droit de préemption.

Limite de superficie et seuils fonciers applicables

L’exploitant ne doit pas être propriétaire de parcelles représentant une superficie totale supérieure à un seuil fixé par arrêté préfectoral. Ce seuil est déterminé en fonction du schéma directeur régional des exploitations agricoles et vise à éviter la concentration excessive des terres.

Priorité du droit de la SAFER et des collectivités

Le droit de préemption du preneur rural est subordonné à l’exercice préalable des droits de préemption des collectivités publiques et de la SAFER. Si ces organismes décident de préempter, l’occupant du bien ne peut exercer son droit. 

Cas d’exclusion du droit de préemption rural

Le droit de préemption du preneur rural ne s’applique pas dans certains cas, notamment :

  • Vente à un membre de la famille du bailleur (ascendant, descendant, conjoint, partenaire de PACS).
  • Vente de parcelles dont la superficie est inférieure au seuil fixé par la réglementation.
  • Vente de biens non soumis au statut du fermage.
  • Mise en oeuvre préalable du droit de préemption par la SAFER ou une collectivité publique. 

Procédure d’exercice du droit de préemption du preneur rural

Notification de la vente au preneur : formalités obligatoires

Le propriétaire qui souhaite vendre doit notifier au preneur son intention de céder le bien. Cette notification doit comporter les éléments essentiels du contrat, notamment :

  • Le prix de vente proposé.
  • Les conditions suspensives éventuelles.
  • L’identité de l’acquéreur pressenti. 

Elle doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire.

Délai et modalités de réponse du preneur

Le locataire exploitant dispose d’un délai légal pour faire connaître sa décision d’exercer ou non sa prérogative d'acquisition prioritaire. Ce délai est fixé par les textes et varie selon les cas. À défaut de réponse dans le délai imparti, le preneur est réputé avoir renoncé à son droit. 

Étapes de formation de la vente après préemption

Si l’exploitant décide d’exercer son droit de préemption, la vente doit être réalisée à son profit dans les conditions notifiées. En cas de désaccord sur le prix, celui-ci peut être fixé amiablement ou, à défaut, judiciairement par le tribunal paritaire des baux ruraux. 

Acte notarié et obligations postérieures à la vente

La vente doit être constatée par acte notarié. Le preneur doit s’engager formellement à exploiter le bien pendant la durée requise et à respecter les conditions fixées par la réglementation.

Droit de repentir : cas et effets juridiques

Si le prix fixé judiciairement ne convient pas aux parties, celles-ci disposent d’un droit de repentir leur permettant de renoncer à la vente ou à l’achat. Ce droit est intangible, même si le prix fixé est égal à celui initialement proposé.

Limites et contentieux liés au droit de préemption agricole

Action en nullité et délai de forclusion

En cas de cession violant le droit de préemption du preneur, celui-ci peut demander la nullité devant le tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai de six mois à compter de la connaissance effective de la date de la vente, selon la jurisprudence récente, garantissant ainsi la protection du preneur et la sécurité juridique des transactions. 

Preuve de la connaissance de la vente : règles jurisprudentielles

La preuve de la connaissance de la date de la mutation du bien peut être délicate à rapporter. Il suffit que le titulaire du bail ait eu connaissance de l’époque à laquelle l’acte a été conclu pour que le délai commence à courir. 

Contestation du prix : recours et juge compétent

En cas de désaccord sur le prix, le preneur peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux. Le prix est alors fixé judiciairement, mais les parties conservent la faculté de renoncer à la transaction si le prix ne leur convient pas.

Sanctions applicables en cas de violation du droit de préemption

L’opération réalisée en violation du droit de préemption du preneur peut être annulée. Le bénéficiaire du bail peut également obtenir des  indemnisations financières en réparation du préjudice subi. 

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Jurisprudence récente et évolutions du droit de préemption rural

Jurisprudence : calcul du délai de forclusion en matière de préemption

La Cour de cassation a récemment précisé que le délai de forclusion pour la présentation d’une demande d’annulation court à compter du jour où le preneur a connaissance de la date de la mutation du bien, et non simplement de son existence. Cette solution vise à protéger le titulaire du bail contre les ventes réalisées dans la clandestinité et à garantir la sécurité juridique des transactions.

Évolutions législatives : extension du droit de préemption (loi ALUR)

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a étendu de manière significative les droits de préemption, notamment au profit des collectivités publiques et de la SAFER. Cette extension a renforcé la protection des exploitants du secteur tout en complexifiant le régime juridique applicable.

Précisions récentes sur la procédure de notification

La jurisprudence rappelle que la communication de l’intention de vendre doit comporter tous les éléments nécessaires pour permettre au preneur d’exercer utilement sa priorité d’acquisition. À défaut, la notification est irrégulière et le délai de purge de la priorité d’acquisition ne commence pas à courir. 

Indivisibilité de la vente : position de la Cour de cassation

La Cour de cassation a jugé que l’activation du droit de préemption ne peut conduire à une division forcée de l’objet de la cession lorsque celle-ci porte sur plusieurs parcelles contiguës vendues dans un seul acte. 

Conseils pratiques pour notaires et juristes lors des ventes agricoles

Vérification préalable des conditions de préemption

Avant toute vente de terres agricoles, il est impératif de vérifier :

  • La qualité du preneur et la durée d’exploitation.
  • Le respect des seuils de superficie.
  • L’existence d’autres droits de préemption prioritaires (SAFER, collectivités publiques).
  • La régularité de la notification au preneur.

Bonne rédaction de la notification de vente

La transmission de l’intention de vendre doit être rédigée avec soin, en mentionnant :

  • Le prix de vente.
  • Les conditions suspensives.
  • L’identité de l’acquéreur.
  • Les modalités de réponse du preneur.

Gestion des délais légaux et sécurité juridique

Il convient de respecter scrupuleusement les délais légaux pour la réponse du preneur et la réalisation de la transaction. Toute irrégularité peut entraîner l’annulation de la vente ou la persistance de la faculté d'acquisition prioritaire.

Anticiper les contentieux de préemption rurale

En cas de contestation du prix ou de la régularité de la procédure, il est recommandé de saisir rapidement le tribunal paritaire des baux ruraux pour éviter tout risque de forclusion ou d’annulation.

Documentation et traçabilité : garantir la conformité du dossier

Conserver une documentation complète sur la procédure de vente, les notifications et les échanges avec le bénéficiaire du bail est essentiel pour sécuriser la transaction et prévenir les litiges.

Le droit de préemption du preneur rural régule le marché foncier agricole, assurant la stabilité des exploitations et la protection des exploitants. Son exercice exige la maîtrise des conditions d’éligibilité, des formalités et des limites. Les évolutions législatives et jurisprudentielles complexifient le régime, rendant indispensable une veille juridique et une gestion rigoureuse des procédures.

FAQ sur le droit de préémption du preneur rural

Toutes les réponses aux questions que vous vous posez.

Non, il ne s’applique pas aux mutations à titre gratuit, telles que les donations, ni aux apports en société, sauf en cas de fraude manifeste. Il est réservé aux aliénations à titre onéreux, principalement les ventes.
Il doit justifier d’une exploitation effective et personnelle du fonds au jour de la vente. S’il a abandonné l’exploitation ou ne l’exerce plus personnellement, il perd le bénéfice du droit de préemption. La preuve de l’exploitation incombe au preneur.
Le droit de préemption de la SAFER ou des collectivités publiques prime sur celui du titulaire du bail rural. Si ces organismes exercent leur droit, le preneur ne peut préempter.
Oui, ce droit l’emporte sur tout pacte de préférence antérieur ou postérieur au bail. Toutefois, la fraude ou la collusion entre le vendeur et le preneur peut remettre en cause cette priorité.
En cas de transfert de propriété réalisée en méconnaissance du droit de préemption, le preneur peut demander l’annulation du transfert de propriété ou obtenir une compensation pécuniaire. Il dispose d’un délai de six mois à compter du jour où il a connaissance de la date de la vente pour agir.
Après l’acquisition, le preneur doit respecter les obligations prévues par le statut du fermage, notamment l’exploitation personnelle du bien pendant la durée requise. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions, telles que l’allocation d’une somme compensatoire à l’acquéreur évincé.
 Ce contenu n'a pas été rédigé par la rédaction Lamy Liaisons. Il doit être interprété avec discernement et ne saurait servir de fondement à une décision juridique sans validation préalable par un professionnel qualifié.