Quelles sont les conséquences d'une dispense de préavis sur les droits du salarié ?
Sauf faute grave ou lourde, le salarié licencié a droit à un préavis. L'employeur peut toutefois lui demander de ne pas l'effectuer, sans que cela ait d'incidence sur le terme du contrat de travail. Le salarié perçoit alors, pour ce préavis non effectué, une indemnité compensatrice correspondant à son salaire habituel. Autrement dit, la dispense de préavis est un droit pour l'employeur et le salarié ne peut pas s'y opposer. Ce n'est que si l'employeur a commis un abus lors de l'exercice de ce droit que le salarié peut obtenir des dommages et intérêts.
- En cas de licenciement, le salarié a droit à un préavis, sauf faute grave ou lourde.
- L’employeur peut dispenser le salarié de préavis, sans justification.
- Le salarié perçoit une indemnité compensatrice en cas de dispense par l’employeur.
- Le salarié ne peut s’opposer à une dispense décidée par l’employeur.
- En cas d’abus de droit, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts.
- Le salarié peut demander une dispense, mais l’employeur n’est pas tenu d’accepter.
- Si le salarié part sans accord, il peut être condamné à verser l’équivalent du préavis.
- La décision de dispense doit être claire, non équivoque et de préférence écrite.
- Le salarié dispensé peut travailler ailleurs, même chez un concurrent (hors clause de non-concurrence).
- Les avantages en nature sont maintenus pendant la durée théorique du préavis.
- Le contrat subsiste jusqu’à la fin du préavis non exécuté : droits électoraux, syndicaux maintenus.
- L'employeur peut-il refuser une demande de dispense de préavis formulée par le salarié ?
- L'employeur peut-il prendre l'initiative de dispenser le salarié d'effectuer son préavis ?
- La dispense de préavis par l'employeur peut-elle se présumer ?
- Le salarié dispensé de préavis peut-il occuper un nouvel emploi durant cette période ?
- Le salarié conserve-t-il les avantages en nature dont il bénéficiait ?
L'employeur peut-il refuser une demande de dispense de préavis formulée par le salarié ?
Le salarié peut demander à ne pas effectuer tout ou partie de son préavis. Sauf convention collective contraire, l'employeur n'est pas tenu d'accéder à cette demande, y compris lorsque le salarié est dans l'impossibilité de l'exécuter (Cass. soc., 17 janv. 2006, no 03-48.262). En pratique :
- si l'employeur refuse et que, malgré cela, le salarié cesse de venir travailler, l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes pour demander la condamnation du salarié au versement d'une somme équivalant à l'indemnité compensatrice de préavis ;
- si l'employeur accepte, il doit bien préciser dans sa réponse que c'est à la suite de la demande du salarié qu'il accepte de mettre fin immédiatement au contrat de travail, sans préavis. Dans un tel cas, le salarié n'a droit ni à son indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc., 3 mars 1993, no 90-41.633), ni aux allocations chômage entre la date de fin de son contrat de travail et la date de la fin théorique de son préavis (Cass. soc., 26 juin 2008, no 07-15.478).
Quelle que soit la décision de l'employeur, une fois qu'il l'a notifiée au salarié, il ne peut plus se rétracter sans l'accord de ce dernier. Ainsi, si l'employeur commence par refuser la demande de dispense de préavis du salarié avant de l'accepter, le salarié est en droit de se prévaloir du refus initial (Cass. soc., 20 juin 1990, no 87-41.136). De même, si le salarié demande à écourter son préavis et que l'employeur accepte, le salarié ne peut plus se rétracter (Cass. soc., 22 mai 1991, no 88-40.505).
Attention
L'employeur peut-il prendre l'initiative de dispenser le salarié d'effectuer son préavis ?
Oui, la dispense de préavis est un droit pour l'employeur et il peut le faire sans avoir à se justifier. Une telle dispense ne pénalise pas le salarié, qui sera rémunéré comme s'il avait travaillé (C. trav., art. L. 1234-5).
Ce n'est que s'il abuse de ce droit (ce qu'il appartient au salarié de prouver), que l'employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié. Une telle condamnation pourrait être prononcée si la dispense de préavis est entourée de circonstances particulières : méfiance affichée faisant peser sur le salarié une suspicion, attitude laissant à penser qu'une faute grave a été commise, comportement désobligeant ou vexatoire de l'employeur, etc. (Cass. soc., 25 oct. 1990, no 88-42.563).
Remarque
Attention
À noter qu'en cas de procédure collective, l'administrateur judiciaire est tout à fait admis à décider d'une dispense de préavis (Cass. soc., 22 oct. 2008, no 07-42.140).
La dispense de préavis par l'employeur peut-elle se présumer ?
Non. La dispense de préavis à l'initiative de l'employeur doit résulter d'une manifestation de volonté claire et non équivoque (Cass. soc., 10 déc. 1985, no 82-43.682). L'écrit est donc à privilégier.
Exemples
- de la signature apposée par l'employeur sur la lettre du salarié indiquant que, à la suite de leur accord verbal, il n'exécuterait pas son préavis. Les juges ont estimé que la signature de l'employeur sur la lettre ne valait pas approbation de son contenu (Cass. soc., 27 mai 1992, no 89-40.264) ;
- de la mention « libre de tout engagement » figurant sur le certificat de travail délivré à une date à laquelle le salarié n'avait pas terminé son préavis (Cass. soc., 10 nov. 1993, no 90-40.008) ;
- du fait que le salarié n'a pas été mis en demeure d'exécuter son préavis. En effet, le préavis s'impose au salarié sans qu'il soit nécessaire de procéder au préalable à une mise en demeure (Cass. soc., 7 juin 1995, no 91-43.857).
Le salarié dispensé de préavis peut-il occuper un nouvel emploi durant cette période ?
Oui, la jurisprudence l'admet. Ainsi, le salarié peut travailler dans une autre entreprise et cumuler son salaire avec l'intégralité de son indemnité compensatrice de préavis. Cette indemnité ne peut pas être réduite au motif que le salarié a retrouvé un nouvel emploi (Cass. soc., 22 déc. 1988, no 86-43.506).
Les tribunaux vont encore plus loin : dès lors qu'il n'est pas soumis à une clause de non-concurrence, le salarié dispensé de préavis peut même entrer au service d'une entreprise concurrente pendant la période correspondant à la dispense (Cass. soc., 6 mai 2015, no 14-11.001). En effet, le salarié dispensé de l'exécution de son préavis n'est plus tenu d'une obligation de loyauté envers l'employeur (Cass. soc., 28 mars 2007, no 05-45.423)
Remarque
Au contraire, le salarié soumis à une clause de non-concurrence qui se fait embaucher par une entreprise concurrente pendant son préavis non exécuté peut être condamné à payer des dommages et intérêts à son employeur pour violation de la clause de non-concurrence, car celle-ci prend effet dès le départ effectif du salarié (Cass. soc., 21 janv. 2015, no 13-24.471 ; Cass. soc., 24 mai 2018, no 16-24.616). Cependant, la faute commise n'a pas d'effet sur l'indemnité compensatrice de préavis du salarié qu'il conserve (Cass. soc., 8 avr. 1998, no 96-41.122).
Le salarié conserve-t-il les avantages en nature dont il bénéficiait ?
Oui. En conséquence :
- si le salarié dispose d'un logement de fonction, il ne doit le libérer qu'au terme du préavis non exécuté ;
- s'il a un véhicule de fonction qu'il est également autorisé à utiliser à des fins personnelles, il peut le conserver jusqu'au terme du préavis non exécuté. Une disposition contractuelle ne peut pas prévoir le contraire (Cass. soc., 11 juill. 2012, no 11-15.649). L'employeur ne peut pas priver le salarié de cet avantage en nature sans lui verser une indemnité (Cass. soc., 25 oct. 2007, no 06-43.201) ;
- si l'employeur avait souscrit une police d'assurance couvrant les risques professionnels et privés, la résiliation de cette police ne peut pas intervenir avant le terme du préavis non exécuté (Cass. soc., 8 déc. 1993, no 90-21.496) ;
- le salarié doit percevoir l'équivalent en espèces des autres avantages en nature dont il serait privé du fait de l'inexécution de son préavis.