Faut-il respecter des formalités pour faire grève ?

Écrit par Publié le 07/04/2025 Mis à jour le 07/04/2025

Contrairement aux dispositions applicables dans les services publics, les salariés du secteur privé n'ont pas à respecter un préavis de grève. Autrement dit, l'employeur ne peut pas reprocher aux salariés leur participation à une grève inopinée.

En résumé
  • Dans le privé, aucun préavis de grève n’est requis par les salariés.
  • L’employeur doit avoir connaissance des revendications au plus tard au moment de l’arrêt de travail.
  • Aucun formalisme n’est exigé pour informer l’employeur des revendications.
  • Le règlement intérieur ne peut imposer un délai de prévenance sauf exception liée à la sécurité.
  • L'autosatisfaction des revendications est interdite : les salariés ne peuvent s’octroyer ce qu’ils demandent.
  • Dans le secteur public, un préavis de 5 jours francs est obligatoire.
  • Seules les organisations syndicales représentatives peuvent valablement déposer un préavis dans le public.
  • Le préavis doit mentionner les motifs, la date, l’heure et la durée de la grève.
  • Des préavis successifs avec des motifs différents sont autorisés.
  • Un salarié peut rejoindre une grève en cours pendant toute la période prévue par le préavis.
  • La grève tournante est interdite dans les services publics.
  • Un préavis irrégulier ne rend pas les salariés fautifs si le délai est respecté.

Les salariés doivent-ils transmettre leurs revendications préalablement à toute action ?

Oui. La grève n'est valable que si l'employeur a pris connaissance des revendications au plus tard, au moment de l'arrêt de travail (Cass. soc., 19 nov. 1996, no 94-42.631 ; Cass. soc., 30 juin 2015, no 14-11.077). À défaut, le mouvement est illicite.

Cependant, si la présentation de revendications professionnelles doit être préalable, la grève n'est pas soumise à la condition d'un rejet desdites revendications par l'employeur (Cass. soc., 11 juill. 1989, no 87-40.727 ; Cass. soc., 20 mai 1992, no 90-45.271).

Comment l'employeur doit-il être informé des revendications ?

Il n'existe aucun formalisme particulier (Cass. soc., 22 oct. 2014, no 13-19.858 ; Cass. soc., 30 juin 2015, no 14-11.077). Les revendications peuvent être transmises oralement, par écrit ou par support électronique (utilisation de l'intranet par exemple). L'essentiel est de pouvoir apporter la preuve, en cas de contestation, que l'employeur a bien pris connaissance des revendications au bon moment. Elles n'ont pas obligatoirement à être exposées par les salariés eux-mêmes ou par les syndicats.

Exemple

A été valablement informé, l'employeur à qui les doléances des salariés avaient été communiquées par un courrier de l'inspecteur du travail reçu trois semaines avant l'arrêt de travail. Par ailleurs, les conditions de travail qui faisaient l'objet du mouvement avaient été débattues au cours d'une réunion du CHSCT (Cass. soc., 28 févr. 2007, no 06-40.944).

L'employeur peut-il négocier un préavis avec les syndicats ?

Oui. Mais attention, ce préavis ne s'impose pas aux salariés. Une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu. Seules les dispositions légales peuvent créer un délai de préavis de grève s'imposant aux salariés (Cass. soc., 7 juin 1995, no 93-46.448 ; Cass. soc., 12 mars 1996, no 93-41.670).

Exemple

Il n'appartient pas à l'employeur de réglementer l'exercice du droit de grève par le truchement du règlement intérieur. Il ne peut ainsi, par ce biais, imposer un délai de prévenance aux salariés grévistes avant tout arrêt de travail, sauf s'il est démontré que la sécurité générale de l'entreprise se trouverait compromise par l'absence d'une partie du personnel (CE, 27 juill. 2005, no 254600 ; CE, 12 nov. 1990, no 95823).

Les grévistes peuvent-ils s'octroyer eux-mêmes ce qu'ils demandent ?

Non. L'autosatisfaction des revendications est prohibée. De façon constante, la Cour de cassation sanctionne ce type de mouvement car le droit pour les salariés de recourir à la grève ne les autorise pas, sous son couvert, à exécuter leur travail dans les conditions qu'ils revendiquent et qui sont autres que celles prévues par leur contrat de travail (Cass. soc., 21 juin 1989, no 88-44.240).
Toutefois, si d'autres revendications sont avancées, le mouvement reste licite.

Exemple

Dès lors que le préavis de grève a été déposé aux fins de voir satisfaire des revendications ne portant pas uniquement sur l'octroi du repos le week-end, le salarié qui cesse son travail le week-end dans le but de faire aboutir ces revendications, ne fait qu'user de son droit de grève (Cass. soc., 25 juin 1991, no 89-40.029).

Quelles sont les formalités à respecter dans le secteur public ?

Des formalités spécifiques s'imposent lorsque le droit de grève est exercé par les personnels de l'État, des régions, des départements et des communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les personnels des entreprises, organismes et établissements publics ou privés chargés de la gestion d'un service public (C. trav., art. L. 2512-1).

Dans le secteur public, l'exercice du droit de grève doit obligatoirement être précédé du dépôt d'un préavis émanant de l'organisation ou d'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service considéré (C. trav., art. L. 2512-2). Il en résulte que le préavis déposé par des salariés ou un syndicat non représentatif rend le mouvement illégal.

Remarque

Rien n'interdit à ces syndicats représentatifs de présenter chacun un préavis de grève, chacun pouvant donc prévoir une date de cessation du travail différente (Cass. soc., 4 févr. 2004, no 01-15.709). De même, rien n'interdit l'envoi de préavis de grève successifs mentionnant des motifs différents (Cass. soc., 30 janv. 2008, no 06-21.781). Ces solutions tempèrent largement l'interdiction légale de procéder à des grèves tournantes dans les services publics (C. trav., art. L. 2512-3), c'est-à-dire à des arrêts de travail intervenant à des heures différentes, par échelonnement successif ou par roulement concerté des divers secteurs ou catégories professionnelles d'un même établissement ou service. En principe, l'heure de l'arrêt de travail indiquée dans le préavis doit donc être commune à tous les personnels. En revanche, l'envoi de préavis de grève successifs pour de courtes périodes d'arrêts de travail est autorisé. La Cour de cassation admet même, dans un tel cas de figure, qu'un préavis unique puisse être valablement déposé (Cass. soc., 7 juin 2006, no 04-17.116 : préavis de grève de 55 minutes sur une plage horaire déterminée pendant cinq jours).

Remarque

Au sein d'une entreprise privée chargée d'un service public, l'obligation de déposer un préavis ne s'applique qu'au seul personnel affecté à cette activité de service public (Cass. soc., 9 oct. 2012, no 11-21.508 ; Cass. soc., 8 oct. 2014, no 13-13.792).

Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise, de l'organisme ou du service intéressé (C. trav., art. L. 2512-2).

Ce délai permet non seulement d'organiser la poursuite de l'activité mais également de tenter d'éviter le conflit en engageant la négociation. Mais il n'existe pas, en droit français, d'obligation générale d'assurer un service minimum. Ce préavis doit mentionner :

  • les motifs du recours à la grève ;
  • le lieu et la date ;
  • l'heure du début de la grève ;
  • la durée, limitée ou non, de la grève envisagée, les salariés n'étant pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis (Cass. soc., 30 avr. 2003, no 00-22.328). Ils peuvent donc rejoindre le mouvement de grève à tout moment pendant la période fixée par le préavis, par exemple deux jours après qu'il ait débuté (Cass. soc., 8 déc. 2005, no 03-43.934). En effet, le fait qu'aucun salarié ne cesse le travail au moment fixé pour le début de la grève ne rend pas caduc le préavis (Cass. soc., 11 févr. 2015, no 13-14.607).

De même, l'employeur ne peut déduire de l'absence de salariés grévistes à un moment donné de la période de préavis que la grève est terminée (Cass. soc., 8 déc. 2016, no 15-16.078). En tout état de cause, l'heure de cessation et celle de reprise du travail fixées ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel (C. trav., art. L. 2512-3). Dans le cas contraire, il s'agirait d'une grève tournante prohibée (Cass. soc., 3 févr. 1998, no 95-21.735).

Remarque

Le fait qu'un seul salarié d'une entreprise gérant un service public se soit déclaré gréviste est sans incidence sur la qualification du mouvement de grève (Cass. soc., 21 avr. 2022, no 20-18.402).

Lorsque le préavis déposé par le syndicat s'avère irrégulier (ne mentionne pas l'heure, la durée de l'arrêt de travail, etc.), les salariés qui participent à ce mouvement ne commettent aucune faute dès lors que le délai de prévenance de cinq jours est respecté (Cass. soc., 25 févr. 2003, no 00-44.339). Il en va de même lorsqu'aucun préavis n'a été déposé et qu'il est établi que l'attention des salariés n'avait pas été attirée sur l'obligation de préavis et qu'ils n'avaient donc pas pu enfreindre sciemment cette obligation (Cass. soc., 8 oct 2003, no ;01-43.220 ; Cass. crim., 10 mai 1994, no 93-82.603).

En revanche, commettent bien une faute que l'employeur est en droit de sanctionner, les salariés qui s'associent à une grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis, en dépit d'une notification de l'employeur attirant leur attention sur l'obligation de préavis (Cass. soc., 11 janv. 2007, no 05-40.663).

Sachez-le

Le salarié qui s'est associé au mouvement de grève est considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement (Cass. soc., 24 juin 1998, no 96-44.234). Toutefois, en cas de contestation sur la participation d'un salarié à une grève, l'employeur qui décide de procéder à une retenue sur salaire, doit établir que le salarié était effectivement gréviste (Cass. soc., 6 févr. 2001, no 98-46.427).

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